Histoire

L’HISTOIRE DE L’ÉGLISE

Histoire-fondation-Eglise-St-George-V1L’église anglicane St. George s’élève sur le plateau le plus élevé du vieux Drummondville, en retrait de la rue Heriot, la première rue tracée par le fondateur, le major général Frederick George Heriot. Ce recul par rapport à la rue confère à l’édifice un cachet mystérieux et paisible amplifié par les nombreux arbres plus que centenaires sous lesquels reposent les pionniers ainsi que le fondateur.

Les matériaux de recouvrement, la pierre pour les murs et l’ardoise pour la toiture, la tour clocher percée d’un portail en bois d’acajou et les arcatures en pointe des fenêtres sont autant d’éléments témoignant du souci de l’Église d’Angleterre d’implanter dans ses colonies des lieux de culte spacieux et édifiant qui démontrent son prestige et la fierté des communautés qui les faisaient construire.

L’intérieur s’enorgueillit de remarquables vitraux qui colorent en rouge et en bleu le lambris de frêne, d’un mobilier soigneusement ouvragé et de nombreux mémoriaux, soit des plaques en laiton ou en marbre et des vases sacrés gravés à la mémoire de valeureux paroissiens et de généreux donateurs.

L’église St. George est un jalon éloquent de l’histoire du premier siècle d’existence de Drummondville fondée et dirigée par des immigrants désireux d’établir leurs descendants sur une terre d’avenir selon les coutumes britanniques et les règles de l’Église d’Angleterre.

Des colons d’origine britannique

Drummondville est fondée par Frederick George Heriot, un jeune officier de l’armée britannique qui a participé à la guerre de 1812 au cours de laquelle les Américains ont tenté d’envahir le Canada.
Commandant en second des Voltigeurs de Salaberry, Heriot s’est surtout distingué lors de la Bataille de Chrysler’s Farm (site actuel de Upper Canada Village). Il est promu lieutenant-colonel en 1813 1.

À la tête d’une cinquantaine de militaires démobilisés issus des régiments des Voltigeurs, de Watteville et des Meurons, Heriot, 29 ans, quitte le fort William Henry (Sorel) pour remonter la rivière Saint-François et fonder Drummondville le 26 juillet 1815. Heriot sera le distributeur officiel des terres du nouvel établissement de la rivière Saint-François aux seuls militaires démobilisés et émigrants britanniques. Ses efforts de colonisation sont soutenus par une vaste compagne de promotion orchestrée par le gouvernement britannique pour attirer d’éventuels émigrants dans le Haut et le Bas-Canada 2.

L’ÉGLISE D’ANGLETERRE

Gordon Drummond 3 administrateur des Canadas en 1815, recommande de bâtir une église à Drummondville (cette dernière nommée en son honneur) et suggère qu’un aumônier militaire soit envoyé du fort William Henry pour y exercer son ministère et s’y fixer à demeure. Car, selon Drummond, la prédication de l’Évangile apporte la prospérité et le bonheur aux pauvres gens. On accède à sa requête, car, le 14 mars 1816, Joseph Langley Mills, chapelain protestant des forces de Sa Majesté, visite Drummondville 4.

Jusqu’en 1832 le pasteur de l’église St. George dessert les anglicans des cantons de Grantham, Wickham, Durham, Kingsey, Simpson, Wendover, Shipton et Melbourne, ainsi que des émigrants éparpillés dans les seigneuries de Courval, Rivière-David et Baie-du-Febvre. On y recense 882 anglicans en 1831 et, dix ans plus tard, ils sont au nombre de 1270. Le missionnaire doit parcourir audelà de 50 km à cheval, à pied, en canot… pour atteindre ses ouailles qui réclament les sacrements et sa prédication.

ANGLICANS ET CATHOLIQUES PARTAGENT LE MÊME ESPACE CULTUEL

À l’automne 1817, le chapelain Jackson célèbre l’ouverture de la chapelle de Drummondville et, par la même occasion, confie aux anglicans un certain nombre de livres donnés par la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts 5. Jackson constate l’avancement de l’aménagement de la chapelle grâce à un don de 100 £ du gouvernement 6.

En fait, la célébration a lieu dans une baraque située sur la place d’armes. Heriot et ses hommes avaient construit, dès leur arrivée, trois baraques (casernes) pour y déposer tous les objets de première nécessité (nourriture et outils) ainsi que les armes. De là l’appellation «place d’armes» pour le secteur
situé au sud de la ruelle Wood.

Comme il faut être pratique, la même baraque sert d’école, de tribunal de justice et de lieu de culte tant pour les anglicans que pour les catholiques 7. De son côté, la résidence de Heriot, connue sous le nom de Comfort Cottage, accueille le chapelain anglican, le missionnaire catholique, l’évêque anglican 8 Mountain 9, et l’évêque catholique Plessis alors qu’ils font leur tournée des Cantons de l’Est. Pas tous en même temps, cependant, même si on s’entend bien.

DES ÉGLISES DISTINCTES

Heriot souhaite la poursuite de cette cohabitation, mais Mountain et Plessis exigent un bâtiment distinct pour les deux religions 10. En 1821, Heriot cède aux protestants trois lots de 66′ x 132′ dans la haute ville. Le 10 mai 1822, le gouverneur général, Lord Dalhousie, signe les lettres patentes établissant
officiellement la paroisse anglicane de Drummondville 11. Le 9 juillet 1822, le recteur Wood informe l’évêque Mountain qu’on a élevé les fondations en pierre de l’église et que le terrain est nivelé 12.

Ouvert au culte en 1822, le modeste temple est percé de quelques fenêtres et ses murs extérieurs sont recouverts de bois. Les coûts ont été assumés par la Society for Promoting Christian Knowledge 13, une société missionnaire basée à Londres qui favorise l’implantation de l’Église d’Angleterre dans les colonies en contribuant financièrement à la construction des églises.

À sa visite de 1829, l’évêque Mountain reproche au pasteur Wood la rusticité de son église. Ses fenêtres sont carrées, il n’y a pas de clocher, le lambris n’est pas peint. It is impossible not to wish that the House of God should bespeak reverence in its exterior, & exhibit its proper distinctions to the eye 14. En 1833, on élève une tour clocher sur la façade ouest, dans laquelle on suspend une cloche donnée par Heriot. La nef est meublée de 18 bancs, dont 10 sont loués alors que cinq longs bancs sont mis gratuitement à la disposition des paroissiens moins bien nantis 15.

Heriot souhaite que les deux temples, anglican et catholique, soient placés sous le vocable de saint Georges. Mgr Plessis ne l’entend pas ainsi et, au risque de fâcher Heriot, choisit saint Frédéric pour titulaire de la chapelle catholique 16.

L’INFLUENCE DES ECCLÉSIOLOGISTES

Vers la fin de la première moitié du XIXe siècle, un groupe issu de l’Église d’Angleterre s’attache à restaurer les traditions médiévales non seulement en Angleterre, mais aussi dans tout l’Empire britannique. Connus sous le nom d’ecclésiologistes, ils redessinent le lieu de culte anglican dans le style gothique des XIIIe et XIVe siècles qu’ils considèrent comme le style par excellence et don l’élan vers le ciel est rempli de symbolique chrétienne 17.

L’évêque Mountain connaît le mouvement ecclésiologiste, mais se rend compte que les traités d’architecture sont bien trop chers pour la plupart des congrégations anglicanes du Bas-Canada. En 1851, dans le Canadian Ecclesiastical Gazette, il publie un guide qui leur permet d’adopter les changements proposés 18. Sur le plan architectural, la symbolique ecclésiale repose sur huit points?:

1. L’église doit être reconnaissable instantanément comme étant la maison de Dieu, c.-à-d. gothique par les arcatures en pointe des ouvertures et les contreforts (vrais ou faux) qui courent tout le long de l’édifice;
2. Le matériau de recouvrement privilégié est la pierre, la brique étant considérée comme un matériau inférieur et le bois ne devant être utilisé qu’en cas de force majeure;
3. Le chevet est orienté (côté est) 19, et percé de trois fenêtres en lancette pour symboliser la Trinité;
4. Déposé sur une plateforme, l’autel est accolé au chevet et fermé du reste du choeur par une clôture ou table de communion;
5. L’entrée principale est percée au centre du mur occidental (ou du côté occidental du mur sud) et peut être agrémentée d’un porche;
6. La largeur de l’église est le tiers de sa longueur;
7. La charpente est visible à l’intérieur, interdisant ainsi les faux plafonds en plâtre, plats ou en voûte qui peuvent introduire un élément de faux dans l’église;
8. Un vestiaire est construit au nord-est du choeur pour éviter aux membres du clergé de revêtir leur tenue sacrée à la vue de l’assistance.

En ce qui concerne le mobilier et l’aménagement, les recommandations se résument en cinq points?:

1. De taille suffisamment grande pour l’immersion complète de l’enfant, les fonts baptismaux sont installés près de l’entrée pour rappeler aux fidèles leur propre entrée dans l’église spirituelle;
2. La chaire est déposée sur le côté nord de la nef pour dégager la vue du choeur où l’on prendra soin de placer deux lutrins, un pour la bible, l’autre pour les livres de prières;
3. Les bancs de la nef ne sont pas fermés par des portes. De plus, ils sont gratuits;
4. Le plancher du sanctuaire (entre le chevet et la table de communion) est recouvert de tapis;
5. L’autel est toujours recouvert d’un parement (nappe) qui atteint le sol;

L’ÉGLISE S T . GEORGE CONSTRUITE EN 1855

Robert Nugent Watts, cousin et héritier de Heriot décédé le29 décembre 1843, donne le terrain sur lequel s’élève l’église. Il est contigu au cimetière, côté sud. D’autres membres de la communauté fournissent des matériaux ou du temps.

En 1855, on élève les fondations du nouveau temple dans lequel pourront s’asseoir 180 personnes. Une église de 23 m. (choeur et nef) sur 7 m. (à l’intérieur des murs) 20, excluant le porche (narthex) et le vestiaire. Les murs ont quant à eux 5 m à l’intérieur. La pierre angulaire de la précédente église est fixée le 10 juin (1855) sur le nouvel édifice donnant la fausse impression qu’il a été construit en 1820.

L’homme responsable de la réalisation du projet et qui a guidé la paroisse durant 27 ans, le rév. George McLeod Ross décède quelques mois plus tard, à l’âge de 51 ans. Les paroissiens éplorés font installer le vitrail de l’Arbre de Vie, dit Memorial Window, pour célébrer à jamais l’oeuvre du pasteur bienaimé 21. Un deuxième Memorial Window, connu sous le nom de Vitrail des évangélistes, est offert par les descendants du Major Menzies et de sa femme née Helen Stewart.

LE FEU DE 1863

Durant la nuit du 4 mai 1863, un incendie embrase l’église St. George n’épargnant que ses murs de pierres et deux vitraux 22. L’épreuve est d’autant plus lourde qu’il n’y a pas de pasteur en poste au moment de l’incendie et que la dette contractée en 1855 pour la construction de l’église n’est pas encore éteinte. Un comité formé de laïques est mis sur pied pour parer aux urgences.

Sur les murs calcinés de pierre, on dépose d’abord une toiture en bardeaux de cèdre, puis on y accole une tour clocher qui sert également de portique. Une porte en bois de chêne massif est offerte par Miss Sheppard de même que la cloche suspendue au clocher. On restaure les deux vitraux qui ont résisté aux flammes, et on achète de l’atelier Spence 23 de Montréal la verrière du chevet et des vitraux de facture simple pour les ouvertures de la nef 24.

L’église St. George restaurée est consacrée en 1867 par l’évêque J. W. Williams 25.

FINANCES EN DENT DE SCIE

Durant les années 1880, alors que les forges McDougallproduisent à plein rendement, les membres de la communauté anglicane sont plus nombreux et plus riches. Fort de ces nouvelles ressources, le rév. Allnatt entreprend la construction d’un presbytère à l’intérieur de l’enclos paroissial, et réalise d’importants travaux pour rendre l’église d’abord confortable, et plus noble à certains égards, soit:

1. Un système de chauffage adéquat;
2. Le rejointoiement de la maçonnerie;
3. Des créneaux de pierre délogent les flèches en bois décorant le sommet du clocher;
4. La tuile d’ardoise remplace le bardeau de cèdre de la toiture;
5. Un lambris en bois de frêne 26 donne plus d’intimités à l’intérieur et arrête l’intrusion des segments de la vigne enveloppant l’extérieur de l’église;
6. Un nouvel autel en bois de chêne surmonté d’un petit retable formant trois édicules 27 au centre desquels on dépose une croix de laiton 28. Les parements d’autel sont commandés à la St.Matthew’s Guild (Québec).

Les problèmes financiers tenaillent à nouveau le conseil de Fabrique au tournant du 20e siècle. Et pour cause, deux décennies durant, le nombre d’anglicans desservis par Drummondville ne dépasse pas les 150.

L’activité économique régionale reprend dans les années 1920, alors que de grandes usines de textile s’implantent à Drummondville attirées par l’énergie électrique produite par les centrales des chutes Lord et Hemming, respectivement en activité en 1919 et en 1926. En 30 ans, soit de 1921 à 1951, la population de Drummondville passe de 4500 à 34 000 habitants.

Les anglicans recrutent des fidèles parmi les nouveaux arrivants, des professionnels, des cadres, des ouvriers spécialisés, dont certains proviennent d’Angleterre même. L’entretien des bâtiments et du terrain est en grande partie assumé par la Canadian Celanese. En 1952, on recense 596 anglicans, un record à jamais inégalé. Depuis 1944, un pasteur permanent est attaché à la paroisse St. George qui s’est engagée à son plein soutien financier.

CÉLÉBRATION DU CENTENAIRE

Le 22 juin 1922, l’évêque de Québec préside une impressionnante cérémonie à l’église St. George pour souligner le 100e anniversaire de fondation de la paroisse. On n’a ménagé aucun effort afin d’embellir l’église et ses dépendances :

1. De nouveaux luminaires ont été installés dans l’église;
2. Des pièces d’orfèvrerie ont enrichi le trésor, tels un plateau de quête, une patène de crédence, des burettes;
3. Une chaire et un lutrin en bois de chêne sculpté s’ajoutent au mobilier de la nef;
4. Le terrain a été nivelé, l’entrée gravelée et des aménagements fleuris sous la direction de Mr. W.
B. Williams, de la Canadian Gossard Co;
5. Sur le mat offert par R. S. Fisk, on a hissé l’Union Jack donné par J. Harrison;
6. L’extérieur du presbytère a été repeint 29.

ON N’ARRÊTE PAS LE PROGRÈS

En 1937, la chaire s’éloigne du choeur pour dégager l’espacenécessaire à l’installation de l’orgue acheté de la célèbre maison Casavant de Saint-Hyacinthe 30. Le renouveau liturgique des années 1960′ exige le déplacement de l’autel vers le centre du choeur afin que le prêtre soit face aux fidèles durant la messe.
Seul le tombeau de l’autel est conservé alors que la clôture (table de communion) s’étend dorénavant sur toute la largeur du choeur. Une clôture en fer forgé ferme le choeur auquel on accède par un petit escalier dont les rampes ont été défrayées par la Y.W.A.

VERS LA FUSION

À compter de 1950, Drummondville ressent fortement la crise qui sévit dans l’ensemble des filatures et des entreprises de tissage canadiennes, d’autant plus que le secteur du textile monopolise 80 % de sa main d’oeuvre manufacturière. La reprise ne se fera sentir qu’au milieu des années 1980 grâce, notamment, au développement des PME et à l’émergence d’un entrepreneuriat local. Cependant, les anglicans issus du personnel-cadre et intermédiaire des grandes manufactures auront déjà quitté Drummondville.

Le 1er janvier 1972, alors qu’elle compte moins de 200 paroissiens, la communauté de St. George se joint à celle de St. James (Durham Sud) et de Holy Trinity (Kirkdale) pour former la grande paroisse St. Francis of Assisi. Le patronyme est alors choisi en raison de la présence de la rivière Saint-François ou de ses tributaires dans les trois paroisses. De plus, deux congrégations sont composées majoritairement d’agriculteurs, et l’observation des oiseaux est un loisir apprécié de plusieurs paroissiens.

UN PATRIMOINE À PROTÉGER

En 1991, des Drummondvillois fondent le Comité de préservation de l’église anglicane St. George aux fins de restaurer et de conserver ce lieu historique pour la postérité. Moins de deux ans plus tard, ledit Comité met sur pied une corporation à but non lucratif dûment enregistrée, soit la Fondation de l’église anglicane St. George inc. La Fondation commande divers rapports, assortis d’estimations des coûts, concernant l’urgence des travaux, cependant, sans modifications importantes quant à l’usage du lieu.

En 1998, la phase 1 des grands travaux voit l’enveloppe du bâtiment restaurée : l’ensemble des murs de pierres de l’église et de la tour est jointoyé à neuf, la pierre naturelle remplace le béton coulé des allèges de fenêtre et une porte en acajou se substituent à la porte en chêne de la façade. Par voie de règlement, la Ville de Drummondville cite « monuments historiques » l’église St. George et le cimetière adjacent.

Amorcée en 2000, la phase 2 s’applique au remplacement du bardeau d’asphalte recouvrant la toiture par de la tuile d’ardoise. Au cours des années subséquentes, les ressources financières seront orientées vers la mise en valeur du cimetière et l’animation de l’ensemble du site.

AUTRES COMPOSANTES DU SITE

Les concepteurs de l’église St. George ont imaginé blottir l’église dans un enclos boisé, par-devant le presbytère et la salle paroissiale. Sur le flanc nord de l’église s’étend le cimetière où ont été inhumés pendant plus d’un siècle les pionniers et leurs descendants, dont le fondateur de Drummondville, le major
général Frederick George Heriot.

La construction du presbytère qui devait suivre de près celle de l’église se concrétise quelque 20 années plus tard, soit en 1878-79. Il a adopté le style québécois dont la toiture à deux versants est percée d’une lucarne à pignon en saillie. L’enveloppe extérieure du presbytère a subi de nombreuses altérations depuis sa construction : le bardeau de cèdre de la toiture a été remplacé par du bardeau d’asphalte, la planche à clin des murs par du bardeau d’amiante, la longue galerie par un portique.

Dans le coin sud-est de l’enclos, entre la voie ferrée et le presbytère, s’élève le Church Hall, destiné à accueillir les diverses activités de loisir et les rencontres des clubs de bienfaisance de la paroisse. Il s’agit d’un bâtiment recyclé, offert par la Southern Canada Power en 1926 31. La salle est agrandie de 3,5 m. en 1935 32.

Clôturé dès 1822 et consacré en 1846, le cimetière St. George a aussi abrité la première église du même nom, soit une modeste structure de bois démolie vers 1856. Ce jardin sacré a été réalisé de manière informelle. Ainsi en témoignent sa topographie vallonnée et son allée centrale sinueuse qui bifurque selon les caprices du terrain ou pour contourner un grand arbre. Ajoutées à ce pittoresque, des pierres tombales disparates tant par leur forme, leur gabarit et leur patine différenciées selon qu’elles sont en ardoise, en marbre, en calcaire ou en fer.

PIERRES TOMBALES ROSS 33

En mars 1827, deux jours après son ascension au diaconat de l’Église d’Angleterre, George McLeod Ross fut nommé à la paroisse Saint George, à Drummondville. Il en sera le rector jusqu’à son décès survenu le 9 août 1855.

Pendant les 28 ans de son ministère à Drummondville, Ross se dévoua entièrement à ses charges pastorales malgré des conditions pénibles. Par exemple, la population, très pauvre, se relevait difficilement d’un incendie qui avait presque entièrement détruit le hameau en 1826. C’est la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts qui payait la plus grande partie du salaire de Ross. Les paroissiens contribuaient par des travaux manuels la plupart du temps.

En mars 1829, Ross épousait Edith Hallowell. Mais les épreuves ne tardèrent pas à assombrir les jours du jeune pasteur. En 1836, Edith mourut moins d’un mois après avoir enterré leur fille Catherine âgée de deux ans. Puis c’est son fils Frederick, âgé de cinq ans, qu’il porta en terre. Seul lui survécut l’aîné, William Morey, qui choisit le sacerdoce comme son père.

Au début des années 1840, les deux minables casernes situées dans la basseville qui servaient de presbytère et d’école tombaient en ruine. Avec ses propres deniers, Ross se fit construire une résidence modeste, mais confortable, à l’extérieur des limites méridionales du village, soit sur le site de l’actuel Collège Saint-Bernard. Préoccupé de l’éducation de ses paroissiens, son presbytère servit d’école et il organisa une bibliothèque garnie d’une centaine de volumes en plus des siens.

Ross consacra beaucoup d’efforts à l’installation permanente de communautés anglicanes dans les Cantons-de-l’Est. Grâce à des campagnes de souscription en Angleterre, à la collaboration des notables locaux et aux dons de terrains des agriculteurs, il entreprit la construction d’une église à Kingsey en 1839, puis celle de L’Avenir en 1842. Peu avant sa mort, on avait commencé à construire, à Drummondville, la belle église de pierre, Saint George, qui subsiste encore.

Selon Joseph-Charles Saint-Amant, Ross entretenait une relation amicale avec François-Onésime Belcourt, prêtre catholique résidant à Drummondville. Apprenant la maladie du ministre anglican,
Belcourt se rendit au chevet de Ross, qui lui manifesta le désir de causer de sujets religieux. Avec l’assentiment de Ross, Belcourt fit venir l’abbé Trahan de Richmond, qui maîtrisait la langue anglaise.
L’épouse 34 de Ross et son fils diacre, craignant pour l’âme du malade, prièrent les prêtres de se retirer pour ne pas le fatiguer. La nuit de sa mort, il semble que Ross voulut revoir Belcourt, mais que sa famille s’y opposa.

Toujours selon Saint-Amant, la sympathie de Ross pour les prêtres catholiques remontait à sa rencontre avec un religieux moribond sur le bateau qui les avait amenés au Canada. Ce religieux était laissé à luimême, et Ross, le prenant en pitié, lui procura tous les soins qu’il put pendant sa maladie. Au moment de mourir, le religieux avait confié à Ross son saint scapulaire de Marie-Immaculée en l’invitant à le porter toute sa vie en gage de porte-bonheur. Ross portait encore le scapulaire aux derniers instants de sa vie.

À la fin de la construction de l’église Saint George, quelques mois à peine après le décès de Ross, on installa un vitrail sur le mûr sud du choeur pour célébrer à jamais l’oeuvre du pasteur bien-aimé. Au bas d’une juxtaposition de motifs végétaux aux couleurs sourdes à dominantes rouge, vert et bleu, est inscrit:

 

Here lies interred the remains of
EDITH HALLOWELL
The beloved wife of The Rev. G. M. Ross
Rector of this Parish
who departed this life 11 January 1836
Aged 29 years & 5 months
And Jacob Millar upon Rebeca’s grave
Also the remains of
CATHERINE MARTHA
who died 14 Nov 1835
Aged 2 years & 10 months
And of FREDERICK HERIOT
who died May 07 1840
Aged 5 years Children of the above

PIERRE TOMBALE SADLEIR, LE CORDONNIER-HUISSIER 35

En 1832, Thomas Sadleir, 20 ans, épousa, en Irlande, Mary Jones, âgée de 17 ans. Le jeune couple émigra au Canada et vint s’installer à Drummondville à l’invitation du forgeron Samuel Jones, oncle de Mary. En 1843, Sadleir obtint le poste d’huissier, abandonnant sans regret son métier de cordonnier qu’il pratiquait dans son atelier de la rue Brock depuis son arrivée dans la petite colonie.

Dans son récit sur le parricide 36 et premier meurtre survenu dans «nos» cantons en avril 1853, J.-C. Saint-Amant raconte l’anecdote suivante au sujet de Sadleir :

Il y avait à Drummondville un huissier du nom de Sadleir, grand ami du vin. Après le meurtre [de madame Ezra Brainard, née Nancy Heard], M. Cyprien Côté alla l’avertir d’arrêter le coupable [William Brainard]. Il trouva notre connétable en grand festin à quelques milles de Drummondville. Aussitôt averti, l’huissier part au grand galop de son cheval pour se rendre sur la scène du crime. Il est bientôt rejoint au village, dans un hôtel, par M. Côté. En voyant arriver M. Côté, l’huissier s’élance de nouveau à toute vitesse et est rejoint une seconde fois dans le bois de Wickham par M. Côté. Il fit tant de pauses et but tant de vin que lorsqu’il arriva chez les Brainard, le meurtrier avait eu le temps de se mettre hors de portée. Robert N. Watts, qui était juge de paix, donna ordre à MM. Cyprien Côté et Louis Proulx d’arrêter Brainard là où ils le trouveraient. Pour les enhardir, il leur remit à chacun un petit pistolet qui, dit M. Côté, «?était plus dangereux pour nous que pour le meurtrier». Heureusement, ils n’eurent pas l’occasion de s’en servir.

Thomas Sadleir est décédé en octobre 1855 à l’âge de 40 ans. Son épouse Mary quitta dès lors Drummondville avec ses cinq enfants prénommés William Samuel, Frederick Richard, Elisa Ann, Adeline Margaret et Jane Mary.
THOS. SADLIER
DIED
Oct. 10 1855
Aged 40

PIERRE TOMBALE PLUNKETT

Peter Plunkett était sergent du Royal 49e Régiment d’Artillerie. Il faisait partie des soldats licenciés qui se sont installés dans la région de Drummondville après la guerre de 1812. Il est décédé en 1867, à l’âge de 96 ans.

In Memory of
PETER PLUNKETT
late Sergeant of Her Majesty’s 19 Regiment of Foot
Died Sept 16, 1867
Aged 96

MÉMORIAUX

L’église St. George offre au visiteur curieux une pléiade de souvenirs gravés, sculptés, peints. Le souvenir de défunts et de donateurs sera transmis par une plaque, par un tableau, par une gravure sur un objet religieux ou de façon plus ostentatoire, par une dédicace en bas d’un vitrail.

À eux seuls, les hommes et les femmes enrôlés durant les deux grandes guerres reçoivent cinq dédicaces réparties comme suit:
1. Vitrail du chevalier saint George
2. Lutrin de lecture: In Memory of the Boys of this Parish who laid down their lives for their Country’s honour 1914-1918.
3. Tableau Mémorial de l’Église Unie
4. Tableau Mémorial 1914-1918 de l’église St. George
5. Tableau Mémorial 1939-1945 de l’église St. George

Ci-après, une liste d’autres objets commémoratifs placés à la vue des visiteurs:
1. Vitrail Mémorial Ross
2. Vitrail Mémorial Menzies
3. Plaque Menzies
4. Plaque Watkins
5. Plaque Robson
6. Plaque apposée au bas de la croix du chevet
7. Plateau de crédence
8. Plaque apposée sur l’orgue
9. Plaque apposée sur la porte de chêne
10. Tableau 1 des donateurs
11. Tableau 2 des donateurs
12. Tableau 3 des donateurs
13. Memorial Book

Objets commémoratifs rangés dans le vestiaire:
1. Burette pour l’eau Bothwell
2. Patène de l’église St. Paul (L’Avenir)
3. Calice Hamilton

Source: Yolande Allard

NOTES

1 Saint-Germain, C. Bref historique de Drummondville a short story. Société Historique du Centre du Québec, 1983. p. 3.

2 Bélanger, J.P. Histoire de Drummondville 1815-1950., Société d’histoire de Drummondville, hors série No 1, 1997. non-publié. p. 25.

3 Dictionnaire biographique du Canada, vol. VIII, Sir Gordon Drummond, officier et administrateur des Canadas du 3 avril 1815 au 20 mai 1816.

4 Saint-Germain, C. Regards sur les commencements de Drummondville. Cahier no 1, Société historique de Drummondville, 1978. p. 16-17.

5 Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, oeuvre missionnaire fondée en 1701, qui paie, entre autres, le salaire du pasteur Wood.

6 Lettre de J. Jackson adressée à l’évêque Mountain le 8 novembre 1817.

7 S.S. Wood to the Lord Bishop of Quebec, Dec. 13, 1819.

8 Ibid, July 18, 1821.

9 The Journal of Archdeacon G.J. Mountain’s visitation of 1829, principally thro’ the Eastern Townships in Journal of Eastern Townships Studies, no 16, Spring 2000. p. 84.

10 Little, J. Bordeland Religion, The emergence of an English-Canadian Identity 1792-1852. Univ. of Toronto Press, 2004.

11 La paroisse St. George comprend les cantons de Grantham, Wickham, Durham, Kingsey, Simpson, Wendover, Shipton, Melbourne. Ce n’est qu’en 1842 que Heriot officialise le don au Recteur de l’église St. George de 3 terrains occupés par l’église construite en 1822 et le cimetière adjacent dont il se réserve un lot dans le coin sud. Deed of Sale by Major F.G. Heriot to the Rector of the Parish of Drummondville, April 6, 1842.

12 Samuel Simpson Wood est le premier pasteur résident, en poste depuis le 3 novembre 1819. Saint-Germain, C. Regards sur… op. cit., p. 26.

13 Society for promoting Christian Knowledge (Church Society), 1818, grants of money for the erection of church buildings et salaries of school masters.

14 The Journal of Archdeacon G.J. Mountain’s.. op. cit. p. 84.

15 Circular filled up by G. McLeod Ross, May 1, 1833.

16 Saint-Germain, C. Regards sur… op. cit., p. 26-27.

17 Rousseau, L. et coll. Atlas historique des pratiques religieuses le sud-ouest du Québec au XIXe siècle. P.U.O., p. 132.

18 Loc. cit. et Canadian Ecclesiastical Gazette, Circular to the Clergy of the Diocese of Quebec, # 1-2, Jan. 4, 1851 and Fev. 4, 1851.

19 L’axe définitif de l’église St. George sera cependant nord-est Sud-Ouest selon le service de la cartographie, ville de Drummondville, Mario Roy, le 18 mai 2005.

20 Robert Pelletier, architecte, mai 2005.

21 Le révérend Ross est inhumé dans le cimetière paroissial auprès de sa femme née Edith Hallowell et de ses enfants, Catherine Martha et Frederick Heriot, décédés entre 1835 et 1840. Seul lui survécut son fils aîné, Wm Morey, qui choisit le sacerdoce comme son père. La Brèque, M.P. Dictionnaire biographique du Canada, vol. VIII, p. 852.

22 Rapport de Wm Sheppard, marguiller, rédigé le 6 mai 1863 sur les dommages causés à l’église St.George lors de l’incendie survenu le dimanche 3 mai 1863.

23 John C. Spence, l’un des premiers artistes du vitrail actifs à Montréal, s’annonce comme fabricant de vitraux, de verre coloré, peint et gravé dans le Montreal and Canadian Directories de 1856-1857. Il fonde à la même époque sa propre compagnie, la Canadian Stained Glasswork, rue Notre-Dame. Godin, C. Montréal, la ville aux cent clochers. Fides. p. 77. À ses débuts, Spence a même dû
diversifier sa production pour inclure la décoration intérieure, le décor des meubles, des miroirs, le lettrage des vitrines et celui des bannières. Source : Courriel de Ginette Laroche à Yolande Allard, 1er décembre 2005.

24 Report of the Church Society Diocese of Quebec, 1865.

25 Reisner, M.E. Strangers and Pilgrims, A history of the Anglican Diocese of Quebec 1793-1993. p. 348-349.

26 Le Pasteur Scott dans son rapport de 1895 à l’évêché mentionne le bois de frêne, de même l’architecte Nobbs appelé à livrer une évaluation de la condition du bâtiment en avril 1947. Cependant, certains prétendent qu’il s’agit du sapin de Colombie.

27 Offert par la succession de Richard Winter, un jeune serre-frein mort au travail, l’autel aurait pu être acheté de la Cie Spence de Montréal qui vers 1894 avait ajouté à sa manufacture de vitrail le
commerce des objets et du mobilier religieux. Bien que préféré comme fournisseur par les anglicans, Spence n’est cependant pas le seul fournisseur de matériel religieux pour les protestants; il y eut aussi à cette période la Cie Castle de Montréal. Source : Ginette Laroche, courriel à l’auteure le

28 La croix de laiton est offerte par W. E. Lyman, esquire, Montréal. Son épouse Laura Lucile Willamson Lyman (1879-1946) est administratrice du Montreal Concil of Women en 1905-1906, puis présidente de 1921 à 1927.

29 The report of the Church Society of the Diocese of Quebec, 1922.

30 Acheté en 1937au coût de 2000$, grâce à un don anonyme et à un don du frère du Capitaine A.K. Hammond (1900-1936).

31 Minutes of Vestry Meetings, St. George’s Church, January 18 and 28, 1926.

32 Minutes of Vestry Meeting, St. George’s Church, January 21, 1935.

33 J.-C. Saint-Amant. Un coin des Cantons de l’Est. Drummondville, La Parole, 1932. p. 330. – M.-P. LaBrèque. Dictionnaire biographique du Canada, vol. VIII, p. 852-853. – Registres des naissances, mariages, sépultures, église anglicane Saint George, Drummondville.

34 Méprise dans le récit de Saint-Amant, puisque Edit Hallowell, l’épouse de Ross, était décédée depuis près de 20 ans lorsque son mari aurait réclamé Belcourt.

35 J.-C. Saint-Amant. Un coin des Cantons de l’Est. Drummondville, La Parole, 1932. p. 177. – Registres des naissances, mariages, sépultures, église anglicane Saint George, Drummondville.

36 Parricide : meurtre d’une mère par son fils.